Nuit d'orage. De nombreux éclairs zébraient le ciel de Washington. Enneigées, les rues étaient paisibles, et rares étaient les voitures qui s'aventuraient dans l'allée privée de la clinique St Elizabeth. A l'extérieur, le silence était roi. Peu de salles étaient, à 22h39, allumées mais un accouchement se préparait. Glenn Fitzgerald donna, une heure et dix-sept minutes plus tard, naissance à son second enfant, Georgina Constance Fitzgerald.

La jeune Georgina a désormais cinq ans. Curieuse et souriante, la mignonne tête blonde est un réel rayon de soleil dans la maison Fitzgerald, lumière qui illumine la grande maison malgré les absences répétées du père de la petite famille. Toujours joyeuse, très souvent heureuse, Georgie vit dans le luxe et est très gâtée. Les cadeaux coulent à flot et heureusement, la chambre rose était assez grande pour la montagne d'animaux en peluche ! Mais ce que la mignonne tête blonde ne pouvait pas savoir, c'était que, même à cet âge là, elle était formée pour devenir un double de sa mère...Bonne ou mauvaise chose ? Ce sera l'avenir qui nous le dira...

Georgie ne voulait pas mettre cette robe rouge. "La bleue, la bleue ! Je veux la bleue !", c'était la seule chose que l'on pouvait entendre. La fillette courrait et glissait sur le parquet noir pour tenter de convaincre sa mère de la laisser, pour une fois seulement, choisir la robe qu'elle allait pouvoir mettre pour une soirée entre amis. Non, non, non ! ferme, froide et décidée, Mrs Fitzgerald tenait à ce que leurs tenues soient discrètement assorties. Du bleu ferait tâche, pensait elle intérieurement... Mais la petite tête blonde n'en démordait pas. Georgie voulait étrenner sa nouvelle robe, pas mettre la rouge et montrait son mécontentement en gémissant, se mettant à genoux et en faisant la comédie. Glenn n'en pouvait plus de ces bruits, malgré tout l'amour qu'elle portait pour sa petite poupée de fille. "Et puis, va demander à ton père !" Aussitôt dit, aussitôt fait. Evènement rare, les Fitzgerald étaient au complet. Cela tenait presque du miracle, à vrai dire... Le sol brillant crissait sous les pas précipités de Georgina. Malgré une entrée fraquassante, la blondinette fit sursauter son père lorsqu'elle sauta sur ses genoux. Il ne s'attendait vraiment pas à cela, mais sourit. Qu'y a-t-il ma petite ? Très futée pour son âge, la petite fit un des sourires dont elle avait le secret et, de sa petite voix, tourna son interrogation de façon assez intelligente et n'impliqua sa mère dans la chose. Elle descendit des genoux de son père et virevolta à côté du grand bureau de chêne Tu crois que je peux mettre cette robe ? Ses yeux étaient brillants et le sourire innocent. Une seule bonne réponse possible et c'est cette réponse qui fut prononcée : Mais bien sur ma chérie, tu es parfaite à l'intérieur !. Et Georgina se garda bien de croiser sa mère dans les couloirs. Au moment de partir, elle se glissa au côté de son grand frère sur la banquette arrière de la Mercedes qui allait les amener à bon port, et garda ainsi pour toute la soirée la robe tant désirée.
Première victoire, à sept ans, de Georgina Constance Fitzgerald et ce ne sera pas sa dernière. Elle peaufina au cours des années sa technique et fut bientôt imbattable à ce genre de petit jeu et faisait faire ce qu’elle voulait de ceux qui l’entouraient. Georgie appris vite à se servir et à manipuler les autres. Si certains jouent aux échecs, notre belle blonde joue, elle, en grandeur nature et avec des pions vivants...

Georgina grandissait, et ce, rapidement. Oubliés, les caprices de petite fille, laissant place à des plans dignes de sa mère, presque qualifiables de machiavéliques. Et pourtant, Georgie aimait cela, recevoir ce qu'elle voulait quand elle le voulait, user et abuser de ses charmes pour que ses petits admirateurs lui obéissent... Elle ne s'en rendait pas vraiment compte, mais elle ressemblait de plus en plus à sa génitrice. Si physiquement la ressemblance était troublante - mêmes yeux bleus glacier, même chevelure blonde, mêmes expressions faciales...- elle l'était encore plus moralement.
Seulement, les charmes de la belle fonctionnaient sur tout le monde excepté sa mère, décidée elle, à faire de sa fille un clone... Enfin, c'était ainsi que Georgina interprétait la sur-protection dont elle faisait preuve, les robes et autres tenues quasiment identiques présentent dans les armoires des deux Fitzgerald... Et Georgie ne voulait plus de cela ! A quinze ans, elle voulait de l'indépendance, pas être choyée. Est-ce que ce serait un jour possible ? Georgina était cependant décidée à commencer à penser par elle même, à choisir pour elle même, et non se faire dicter tout ses choix par sa mère. Défi ? Insolence ? Cette révolte intérieure, décidée en ce moi ensoleillé ne serait pas une simple rebellion adolescente mais bien le début d'une guerre non-déclarée...

Non, non, non et NON ! je ne retournerais plus là bas, je ne veux plus ! Georgina s'exprimait de manière assez... vive. Retourner encore une année de plus dans le même internat que sa mère était hors de question. Elle voulait rester encore une année chez elle, à Washington et non repartir dans le bled paumé de Caroline du Nord où se trouvait l'internat. Washington vivait, au moins... Mais sa mère était catégorique, elle devait repartir. La rentrée n'était que dans deux semaines, en plus, et les inscriptions déjà remplies. Et si j'étais inscrite à St Sophia pour ma dernière année, et non à l'internat ? demanda Georgina alors qu'un éclair insidieux éclaira ses prunelles. Glenn Fitzgerald la dévisagea, perdue. Car c'est le cas. Me faire passer pour toi est un jeu d'enfant, et tu sais très bien que je n'en suis plus une. Silence, et un sourire triomphant s'affiche sur le joli minois de Georgina. Et, ce n'est pas toi qui disait il w a quelques minutes qu'il était trop tard pour m'inscrire dans un nouvel établissement ? Je crois que je reste ici jusqu'à l'année prochaine. La voix claire, mais sibylline de l'adolescente raisonnait encore dans le grand salon lorsqu'elle tourna les talons pour se rendre dans sa chambre. Même les talons de huit centimètres de la jeune fille semblaient marteler Tu as perdu, encore une fois... dans la tête de Glenn Fitzgerald. Abassourdie, la mère de famille ne savait quoi penser. Si elle était réputée pour garder toute situation sous contrôle, ses derniers mois avec sa fille semblaient démentir toutes les affirmations de ce type. Si cela lui déplaisait fortement, une partie d'elle ne pouvait s'empêcher de se réjouir. Capable de manigancer tout cela, ma fille pourra aller loin, très loin même...
Ce qu'à ce jour Glenn ne pouvait pas savoir, c'était que cela allait aussi se retourner contre elle. En effet, en octobre, la situation devint incontrôlable et elle finit par faire ce qui n'était censé jamais arriver. Mme George Fitzgerald céda, ne sachant plus quoi faire, et se retira dans la résidence secondaire de la famille à Aspen, seule.

A présent seule ou presque dans la grande maison familiale, Georgie pouvait s'épanouir... Ou presque. Son paternel faisait des passages éclair deux fois par mois environ -le travail l'empêchant de faire mieux; son frère était lui, toujours loin, et les nouvelles se faisaient de plus en plus espacées. Mais elle était assez... perdue ? Oui, perdue était un mot assez adéquat. Après dix-sept ans passés sous le joug maternel ou du strict internat, se retrouver en liberté totale pouvait être assez perturbant. La belle comblait ce vide en lectures - un nombre incalculable de libre était en effet dispersé dans chaque pièce possible de la maison - en films ou mêmes en conférences. Georgina s'était découvert une passion dans le cinéma, et, plus généralement, une passion artistique. Elle dévorait tout ce qui passait sous son nez. Passionnée, elle pourrait disserter pendant des heures et des heures, lancée dans un sujet intéressant !
Ce fut d'ailleurs cette passion qui la poussa à se présenter au journal du lycée, où le professeur référent lui conseilla de postuler pour de grandes universités, mais principalement Yale, en raison de ses programmes littéraires et de journalisme. Et en effet, les programmes séduisirent Georgina qui se mit alors en tête de rentrer à tout prix dans la grande université américaine.

Yale. Georgina avait réussit à rentrer dans la faculté de son choix, ses nombreux efforts n'avaient pas été vains. Elle se plaisait vraiment à l'université, mais tout n'était pas parfait non plus. Si Georgie faisait partie des plus brillantes élèves de Yale, ce n'était pas la même chose côté coeur... En effet, si la belle avait quelques têtes sur son tableau de chasse, toutes ses affaires ou presque se terminaient mal et torturaient de plus en plus Georgina. Rares sont ses histoires d'amour qui se sont finies relativement bien pour elle, à son grand malheur. Elle s'attache aux hommes comme une huitre à un rocher et a après du mal à les laisser partir. L'inverse, bien que moins courante est également vraie...
Ainsi, Miss Fitzgerald s'épanouissait plutôt dans le travail que dans sa vie amoureuse, et c'est d'ailleurs son engagement et sa motivation qui lui ont permis de rentrer, dès sa sortie de Yale, d'être embauchée dans la chaine de télévision la plus regardée de New York City. Un déménagement était donc de mise, et cela l'arrangeait plus qu'autre chose de mettre de la distance entre elle et sa mère ! Et New York, la voilà arrivée, prête pour une nouvelle vie !


Puis arrivèrent les doppelgängers.
A présent présentatrice du journal du soir, la jeune femme fut très rapidement mise au courant et devait, devant la nouvelle, garder le plus de sang-froid possible, chose extrémement difficile étant donné l'absurdité de la nouvelle et le choc provoqué. Comment était-on censé réagir lorsque presque 6 milliards d'humains débarquaient sur Terre, d'autant plus qu'ils étaient des copies conformes des maintenant dénommés 'alphas' ? Certains avaient rencontrés leurs doubles sur le coup, Georgie ne faisait pas partie de ces personnes là. Tant mieux ne put elle s'empêcher de penser.
Mais ce jour finit par arriver, et plus rapidement que souhaité... Georgina se rendit rapidement compte que cette 'Constance' était... fascinée par elle. Etrange. Mais cela pouvait avoir ses avantages Georgie cachait le mépris et le dédain qu'elle éprouvait pour tout ces 'surplus' et feignait l'amitié. Une admiratrice pouvait toujours être très utile, tel était le point de vue de Georgina. Elle n'aimait pas vraiment ces nouveaux arrivants, mais ne les haissait pas non plus. A vrai dire, elle ne savait pas trop quoi penser sur eux, mis a part qu'ils ne devraient pas être là. La NASA n'aurait jamais du faire cela, la Terre avait assez de problème comme ça, il suffisait de jeter un coup d'oeil au tiers-monde... Mais à présent, il fallait vivre avec ces doppelgängers, ces être méprisables...
Une nouvelle vie s'offrait, à nouveau, à elle et Alpha Georgina Constance Fitzgerald comptait bien en profiter.