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 Et le temps, soudain, s'arrêta dans sa course. (pv)

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β Érasme Amiel
β Érasme Amiel

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Job du personnage : critique gastronomique.

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MessageSujet: Et le temps, soudain, s'arrêta dans sa course. (pv)   Et le temps, soudain, s'arrêta dans sa course. (pv) EmptySam 5 Mar - 10:45

Et le temps, soudain, s'arrêta dans sa course. (pv) Warren3
© Applestorm

Elle ne craint pas le froid. Du moins elle s'en est tellement convaincue, qu'à force c'est presque devenue vrai. Elle porte une robe en laine, semi-chic, semi-bohème, qui arrive juste au-dessus de ses genoux, et qui dévoile ses jambes nues en plein mois de janvier. Inapproprié. Mais Érasme a d'autres considérations en tête : la critique gastronomique lui manque. Aujourd'hui, elle a décidé de s'offrir un déjeuner dans un restaurant d'affaires de Manhattan, et de déguster chaque détail avec toute l'attention dont elle est capable. Elle s'imagine déjà les mets les plus délicieux fondre sur sa langue, quand la sonnerie stridente de son téléphone la rappelle à la réalité. Un collègue alpha du Dobbelglober. Le genre de contacts qu'il faut absolument garder. Elle répond, sourire aux lèvres. L'alpha lui parle du journal, puis lui explique qu'il va partir en France pour un grand reportage, or il se souvient qu'elle est née à Paris. Érasme manque de hurler de joie au téléphone. Oh mon dieu, oui oui oui j'ai des communications à faire. Je t'en supplie, je te revaudrai cela mais il faut absolument que tu trouves Jules Amiel. Et Lucas Amiel. Ils fêtaient Noël à Paris, tous les deux, je le sais. Du moins je suis certaine pour Jules. Donc elle doit être à Paris. Dis lui que je vais vraiment très bien et que j'ai eu beaucoup de chances. La conversation se poursuit tant et si bien, qu'Érasme perd son chemin, sans s'en préoccuper. Elle a cette étrange incapacité à contrôler plusieurs choses à la fois. Elle parle, l'alpha est adorable. Un vrai type bien, engagé dans cette nouvelle cause, et tout à fait prêt à aider comme il peut la jeune stagiaire qu'elle est. Le prince charmant ? Érasme y rêve un instant, et, nécessairement, n'écoute plus ce qu'il raconte. Lui demande de répéter. Perdant un peu plus son chemin et s'en rendant toujours moins compte. Finalement, il signale qu'il va devoir y aller. Érasme confuse baragouine deux trois au revoir polis et raccroche en rappelant à tue-tête : Surtout passe bien le bonjour à Jules. Elle raccroche, le mot Jules est encore dans l'air. Elle s'est égarée c'est certain. Elle est dans une rue de Manhattan, mais moins chic que là où elle prévoyait de se rendre. Pourtant, Érasme ne remarque rien de tout ça. Elle a raccroché, elle croise son regard. Son propre regard. À deux mètres devant elle, marchant en sens inverse, c'est elle-même qui s'avance. Pendant une très longue seconde, Érasme est dans l'incapacité absolue de se rappeler quoi que ce soit de toute cette histoire d'univers parallèle. Tout ce qu'elle sait, c'est qu'une version étrangement sombre d'elle-même vient vers elle. Alors la réalité l'assaille. Comme si soudain tout apparaissait, après un instant de silence. Elle est face à Érasme alpha, égarée dans un quartier moins chic. Peut-être là où de petits hommes d'affaires viennent ingurgiter deux trois bières pour oublier leur dure journée, avant de retourner chez eux. Son double est là. Mais c'est elle-même, le double. Tout l'agresse dans la figure en face d'elle : le visage si froid, le regard si perplexe et si rude. Les cernes si marqués, les yeux cerclés de noir. Pourtant, il n'y a pas un seul doute à avoir. Et le temps soudain s'arrête dans sa course.

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α Érasme Amiel
α Érasme Amiel

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MessageSujet: Re: Et le temps, soudain, s'arrêta dans sa course. (pv)   Et le temps, soudain, s'arrêta dans sa course. (pv) EmptySam 5 Mar - 13:14

Les jours se réchauffaient à New York. Quelque chose avait enlevé à l’atmosphère son gant de plomb, de froid. Un vent de printemps soufflait sur la ville. Le soleil était haut dans le ciel mais il ne faisait pas chaud pour autant, loin de là. Érasme s’était levée à dix heures, elle en était assez fière : pour une fois, elle n’allait pas passer toute sa journée à dormir. Non, elle allait sortir un peu, profiter des beaux jours. Elle portait un jean serré, un peu déchiré, une écharpe écarlate nouée plusieurs fois autour de son cou et de gros godillots. Elle sentait comme une odeur de laisser-aller allié paradoxalement à une aura de rigidité. Ses yeux cernés de noir, ses cheveux à peine démêlés rassemblés en queue de cheval, son regard perdu, tout son être n’était qu’un mince trait de peine qui évoluait dans l’immensité de la ville. Son appareil photo était accroché par un cordon autour de son cou, quelque part sous la lourde écharpe, et elle l’enserrait de ses mains frêles et pâles comme s’il s’agissait d’une bouée de sauvetage. Car s’en était une. La jeune fille marchait vers un parc qu’elle ne connaissait pas, une destination incertaine, bien loin de son Bronx aussi vétuste que fleuri. Non, aujourd’hui, elle allait à Manhattan, dans un endroit cool. Elle marchait depuis bien une heure, l’appareil entre les mains. Elle avait pris deux photos, deux personnes identiques qu’elle avait croisées au fil de sa route : des doubles. Cette action la réjouissait, elle allait pouvoir ajouter ces photos à l’épais registre de celles qui lui servaient à comprendre, à comparer. Elle aimait voir sur le papier brillants les traits strictement identiques déformés par des histoires à peine différentes. C’était démesuré mais elle trouvait ça beau, pire, elle en avait besoin. Elle avait besoin de faire tout ça pour se maintenir à la surface de la raison, alors qu’elle ne cessait de voir des visages identiques collés à des personnes distinctes, et ce à longueur de temps. Les Doppelgängers avaient tout changé.

Puis elle arriva à l’angle de cette rue, cette rue dont aujourd’hui, elle ne se souvient de rien. Aucune enseigne de magasin ne peut lui revenir en mémoire, non, à l’instant même où elle déboucha sur cet endroit, le monde entier ne fut réduit qu’à une personne. Une silhouette qu’elle connaissait bien, qu’elle voyait sans arrêt lorsqu’elle croisait son reflet ; une voix qu’elle reconnaissait sienne mais qui ne lui appartenait en rien. Elle était au téléphone, elle était belle, cheveux lâchés, robe chic et bohème, une joie odieuse émanait de sa présence. Érasme se figea. Au beau milieu du trottoir, la réalité des mondes parallèles la heurta de plein fouet. Le papier n’avait jamais saisi cela, le papier des photographies ne lui avait jamais montré que la magie de cette réalité. Jamais elle ne l’avait envisagée comme fatale. Le temps se suspendit à un fil mince, très mince. Érasme est là, à quelques minuscules mètres seulement de l’autre. Son double. Elle sentirait presque le bonheur de sa vie à travers sa voix empressée. « Surtout passe bien le bonjour à Jules. » Le mot reste quelque part dans l’air. Entre leurs têtes. Et Érasme se croit tomber dans les tréfonds de ses souvenirs. Jules. Ce prénom lui évoque quantité de choses, des images, des visages, d’heureuses années qui n’auraient jamais dû se finir. Mais surtout, Jules était vivante, dans cet univers bêta qui venait de la percuter, Jules était bien là. Et elle, elle était toujours heureuse. A deux mètres d’Érasme se tenait la personnification de toute la joie qui lui avait été supprimée par un camionneur trop emporté. Jules. Tous les miracles du monde en deux syllabes.

Et à son tour, l’autre la voit. À son tour, elle se fige, sa respiration bloquée, son corps tendu. Érasme est bouleversée, tellement bouleversée qu’elle laisse faire à son cœur ce qui lui chante, battre à tout rompre, défoncer sa cage thoracique. Elle laisse à sa bouche traduire quelques bribes de ses pensées, les premières qui jaillissent d’un flot incontrôlable. « Jules est vivante ? » Voila, elle a parlé, elle n’aurait pas dû parler, elle le sait. Le monde réel est juste là, mais il y a comme une vitre qui s’est formé autour des deux jeunes filles. Un filtre de verre entier de paradoxes, doux et rude, beau et douloureux, puissant et fragile. Paradoxalement représentatif des deux âmes qu’il retient.
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β Érasme Amiel
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MessageSujet: Re: Et le temps, soudain, s'arrêta dans sa course. (pv)   Et le temps, soudain, s'arrêta dans sa course. (pv) EmptyDim 6 Mar - 10:39

Qui est-elle ? La question bénigne martèle le cerveau soudain endolorie d'Érasme. Comment est-elle ? Elle veut tout savoir, tout. Et en même temps ne rien savoir, sentant bien que connaître cette fille serait tenter d'apercevoir le fond d'un puits sans fin. Ce n'est pas une simple inconnue. Érasme ne pourrait jamais se contenter de découvrir son métier, et ses centres d'intérêts. Ni même le détail de ses histoires de coeur ou ses problèmes existentiels. Non, connaître cette fille, ce serait vouloir absorber le moindre de ses tics, la plus mince de ses réflexions. La comprendre au point de pouvoir devenir elle. Parce que cette fille qu'elle a en face d'elle, c'est elle ! Une elle différente, mais elle-même forcément. Érasme prend soudain conscience de la réalité des choses : c'est elle-même, le double. Le doppelgänger. L'intruse dans un monde qui ne lui appartient pas. Et pourtant. Pourtant Érasme est là, emmitouflée dans son écharpe rouge foncée, trop grande pour elle, marchant d'un air sûr, raccrochant son téléphone d'un air enjoué et professionnel. Et en face d'elle, l'autre semble dévastée, paumée. Plus paumée qu'elle-même. Qui est le doppelgänger, qui est la mauvaise face de l'autre ? Les apparences n'ont jamais, ô grand jamais, été aussi trompeuses. Érasme a l'étrange impression que si elle s'en donnait la peine, elle pourrait intervertir les rôles, glisser dans le corps de l'autre. C'est impossible bien sûr, mais cette fille en face est un reflet si envoûtant. Un reflet qui, soudain, décide d'ouvrir le temps, de nouveau. De le laisser couler, de le laisser filer entre leurs doigts. Le reflet parle. Et ouvre par sa parole une brèche immense dans l'univers d'Érasme. Jules est vivante ? Érasme soudain se sent plus éloignée de cette fille que de n'importe qui. Le reflet est un monstre, l'expression d'un futur, ou d'un passé, horrible. Un passé qui n'a pas lieu d'être, qui ne doit pas exister, même pas en rêves. Un futur dont elle a tellement cauchemardé étant petite. Comme ce jour de ses treize ans, où Jules et Lucas étaient en retard pour venir la chercher. La jeune Érasme s'imaginait toujours les pires horreurs... mais évidemment, Jules et Lucas étaient invincibles. Jusqu'à maintenant. Jusqu'à ce qu'elle croise ce regard hagard, lui signifiant que ce matin-là, où un autre matin, Jules et Lucas avaient cessé d'être invincibles. Ou seulement Jules. Érasme ne savait pas, et ne voulait pas savoir. Tout devenait si confus dans son esprit. C'était l'autre, le double ! C'était l'autre qui n'avait pas à être là ! Et qui proférait des absurdités affreuses et effroyables. Évidemment, pourquoi ne.. Érasme ne finit pas sa phrase. À quoi bon remuer le couteau dans la plaie ? De toutes évidences, l'autre a déjà pleuré sur la tombe de sa soeur. À quoi bon la regarder avec cet air idiot, lui assurant qu'il existe encore une Jules quelque part. Dans un quelque part plutôt dangereux d'ailleurs, désormais. Oui en fait elle est en .. Mais là encore, les mots d'Érasme restent en suspend. Elle s'étonne elle-même. La fille bien, droite dans ses bottes, toujours parfaite, pas capable de finir une phrase ? Ca ne colle pas. Et pourtant c'est ainsi. Pour la première fois depuis longtemps, Érasme est absolument dépassée par les événements, et incapable de tenter de maîtriser la situation. En réalité, elle n'essaie même pas, et c'est ce qui est le plus troublant. Si Jules n'avait pas été là ce matin de ses treize ans, ou à d'autres moments, aurait-elle été capable de devenir ce qu'elle est devenue ? Son regard affolé se pose encore sur celle dont elle est le double. La lumière se fait dans son esprit : Quelque part, une Érasme s'est perdue, en perdant Jules. Une immense pitié envahit Érasme, doublée d'une peur incommensurable. Elle veut tourner les talons, elle veut le faire. Elle va le faire. Une dernière fois, elle observe le reflet.
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α Érasme Amiel
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MessageSujet: Re: Et le temps, soudain, s'arrêta dans sa course. (pv)   Et le temps, soudain, s'arrêta dans sa course. (pv) EmptyMer 9 Mar - 18:03

L’autre a peur. Érasme peut le sentir, cette peur, cette frayeur irrationnelle – ou peut-être bien rationnelle au contraire – envahit tout l’espace vital de la jeune femme. Elle l’a terrorisée ; elle savait bien qu’elle n’aurait pas dû parler. De toute façon, elle passait sa vie à mal faire. Elle faisait toujours tout foirer. Depuis le jour où elle avait vu la compassion sur le visage des adultes, depuis ce jour-là, qu’elle s’efforçait d’oublier ou d’enfouir lointainement en elle – sans jamais réussir non, sans jamais réussir – depuis ce jour elle n’avait cessé de foutre sa vie en l’air. Comme si ç’avait été, inconsciemment, son seul but. Mais ça ne l’était pas, ça ne l’avait jamais été, n’est-ce pas ? N’en est-elle pas persuadée, à voir cette jeune femme si droite et si parfaite, cette femme qui, sans aucun doute possible, n’est autre qu’une seconde elle-même ? Qui est-elle ? Et qui sont-elles, toutes les deux ? Le mot de Doppelgänger lui semble vide tout à coup. Les mots n’ont plus de sens, simple assortiments de lettres collées les unes aux autres et permettant aux humains de communiquer. Les mots ne sont plus rien. Mais revenons à notre problème. Érasme, n’es-tu pas persuadée d’avoir toujours voulu réussir ta vie, à voir cette autre toi si parfaite ?

Non. Parce que quelque chose clochait chez l’autre. C’était dans les points en lesquels elles étaient similaires que subsistaient des imperfections, des petits détails rendant à Érasme l’illusion du parfait impossible. L’autre ne finissait plus ses phrases. Comme si quelque chose s’était brisé... Oh, elle le savait ! Elle le savait qu’elle n’aurait rien dû dire ! Elle aurait dû s’effacer, faire demi-tour, oublier tout ça. Continuer à regarder les doubles, les doubles qui lui étaient extérieurs, qui ne lui faisaient pas cet effet-là. Cet effet odieux. Jamais elle n’avait autant été au mauvais endroit. Jamais elle n’avait autant été là où elle devait être. Ces deux choses étaient-elles contradictoires ? Probablement aussi contradictoires que les deux demoiselles. L’autre était un peu comme elle, elle aussi avait une cassure en elle, est-ce que cela devait la rassurer ? Est-ce que le fait de voir l’autre, si parfaite en apparence pourtant, se briser au moindre coup de vent devait la rassurer sur sa descente aux enfers ?Cela voulait-il dire que, quoi qu’il se soit passé dans sa vie, elle n’aurait jamais atteint la perfection ? Elle n’en savait rien. Mais elle savait une chose, une chose infiniment claire désormais : si réponse il y avait, elle était là. Dans cette autre, paradoxalement elle.

Mais Érasme est loin d’être la seule à se tourmenter l’esprit de toutes les manières possibles pour sonder l’insondable. Son autre le fait aussi. Elle réfléchit, ses yeux sont amplis de questions et leurs morceaux de réponses. Morceaux qui n’ont pas l’air de la rassurer, elle. Bien loin de là. Elle se crispe un peu plus. Dans son regard – quasiment vide désormais – passe l’éclair d’une envie urgente, d’un réflex de survie. Un réflex auquel Érasme a pensé elle aussi ; mais maintenant elle sait, elle sait qu’elle a besoin de l’autre, son autre, elle ne doit pas partir. Elle ne doit pas la quitter. Non ! Elle ne doit pas partir, elles doivent pouvoir se retrouver. C’est existentiel, Érasme ne survivrait pas à l’idée de même de passer si près de sa vérité. Alors elle parle à nouveau, elle parle sans peur de tout foutre en l’air. « Ne t’en vas pas ! » Non, pas maintenant. Elle doit comprendre à quel point c’est important. « Je t’en supplie... » Comprend-elle ? Érasme supplie. Elle ne l’a probablement jamais fait, et ne le refera probablement jamais. Elle la supplie de ne pas l’abandonner, de ne pas la laisser à nouveau seule. Ne pas faire comme Jules et Lucas, ce sale matin. Ne la laisse pas. Et si elle veut vraiment partir ? Et si son besoin à elle était de fuir ? Érasme ne pourrait pas supporter d’être le bourreau de son autre, de l’obliger. Il la faut libre, la plus heureuse possible. Alors elle va la laisser partir, elle ne peut pas se résoudre à la forcer à rester. « Donne-moi juste ton numéro de téléphone. Et après je te laisserai, promis. » Elle ne ment pas. Lorsqu’elle aurait son numéro, la garantie de pouvoir la recontacter un jour où elle se sentirait prête, elle la laisserait partir. Elle enserre un peu plus l’appareil photo.
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MessageSujet: Re: Et le temps, soudain, s'arrêta dans sa course. (pv)   Et le temps, soudain, s'arrêta dans sa course. (pv) EmptyJeu 10 Mar - 5:04

C'était bien la preuve qu'il y avait quelque chose. Une espèce de satané fil invisible entre elles. Une espèce de magique que les humains avaient toujours tenté de rejeter dans le domaine impossible. Jamais personne au monde n'avait été capable de décerner les lueurs dans les yeux d'Érasme, ou ses gestes hésitants. Elle-même en était à peine capable. Et voilà qu'alors qu'elle n'avait pas bougé d'un iota, l'autre Érasme la retenait. S'appelait-elle même Érasme d'ailleurs ? Peut-être avait-elle renoncé à son prénom ? Dieu sait ce qu'elle-même aurait été capable de faire, si Jules était morte. L'esprit de la jeune femme s'enfuyait. Se débattait. Et faisait tout pour ne pas affronter ce qu'il avait sous les yeux : ses propres supplications. C'était partir qu'il fallait. Ne pas se laisser contaminer par cette fille sortie de nulle part, cette fille aux yeux sombres, qui était bien trop elle pour être elle. Et voilà qu'Érasme déraillait encore. Elle finit par se raccrocher aux paroles de son double. Donne-moi juste ton numéro de téléphone. Et après je te laisserai, promis. Ce pauvre téléphone qu'elle s'était dénichée, qui ne servait qu'à appeler ses collègues du Doppelglober. Un grand poids vint s'abattre sur l'estomac d'Érasme. Se rappelant soudain combien sa vie ici n'était pas évidente. Combien sa vie là-bas était plus simple. C'était elle pourtant le doppelgänger. Alors pourquoi toute cette confusion ? Pourquoi avait-elle l'impression que l'alpha était aussi perdue qu'elle-même ? Un numéro, ça n'engage à rien après tout. Érasme tentait de recouvrer sa bonne vieille rationalité. En plus, ça fonctionnait comme pour les coups d'un soir ce truc-là : si elle donnait son numéro, elle n'avait pas à se casser la tête pour rappeler. Elle n'avait qu'à choisir de répondre ou non. Érasme leva les yeux. Sauf qu'en face d'elle, c'était tout sauf un coup d'un soir. Non pas qu'elle ait déjà connu beaucoup de coups d'un soir, d'ailleurs. Mais le problème avec la fille en face, c'est que quand Érasme décrocherait, ce serait trop tard. Quelque chose était déjà en train de se nouer, quelque chose dont elle ne pouvait deviner s'il penchait plutôt du côté du positif ou du négatif. Est-ce qu'elle avait envie d'y participer ? Est-ce qu'elle en avait le choix ? Lentement, détournant le regard du double ensorcelant, elle fouilla dans sa petite besace, pour en ressortir un marqueur noir. Elle marquait toujours les choses dans son poignet gauche et une idée idiote lui avait traversé l'esprit. Après tout, peut-être que l'autre aussi ? Comme poussée par une impulsion subite, elle avança et s'empara du bras de son interlocutrice, traçant à la hâte les chiffres de son numéro sur le poignet de l'étrangère. Et avant qu'elle n'ait eut le temps de réagir, elle avait fini. Impossible désormais de retourner en arrière. Voilà c'est.. c'est mon numéro. Et maintenant je vais partir parce que.. je ne peux pas rester. Ca me tord. Lucas et Jules sont vivants, mais coincés en France, du moins pour Jules je suis sûre, Lucas je ne sais pas. Donc leur destin doit être moins radieux que le mien. Et maintenant.. maintenant je pars et puis.. et puis tu as mon numéro. Elle tourna aussitôt les talons, respirant. Elle avait débitée toute cette tirade absurde d'un seul souffle, et maintenant le moment était fini. À peine avait-elle tourné le dos, qu'elle se sentit soudain plus tranquille. Il suffisait de ne pas penser à ce regard sombre, et la vie pouvait reprendre son cours, déjà suffisamment complexe. Elle restait figée, et pourtant l'autre n'approchait pas. Elle tenait donc sa promesse, et la laissait partir. Presque entièrement soulagée, Érasme serra son petit sac contre elle et s'enfuit. Oublié, le grand restaurant. Oublié même, son collègue aux allures de prince charmant. Tout ce qui importait désormais était de se calfeutrer chez elle et de prendre un bain. De penser à tout, sauf à ce regard sombre. Le temps reprenait sa course.
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MessageSujet: Re: Et le temps, soudain, s'arrêta dans sa course. (pv)   Et le temps, soudain, s'arrêta dans sa course. (pv) EmptyVen 25 Mar - 14:47

Son numéro de téléphone. C’était être certaine de pouvoir la revoir, un jour, un jour où cette folie la prendrait à la gorge et où un tissus de pensées étranges la pousserait à composer le fatidique numéro. Et encore. Toute une foule de possibilités contraires à cette initiative pouvaient entrer en jeu. Et si, tout simplement, l’autre ne voulait pas le lui donner ? Est-ce qu’elles allaient partir, retourner d’où elles venaient sans se retourner, comme si rien de tout cela ne s’était passé ? Non, pas vraiment. Érasme ne savait pas ce qu’il était en train d’arriver, mais c’était bel et bien réel. Le froid, le léger vent, l’appareil photo dans ses mains. C’était tangible.

Soudain, un bruit attira son œil hagard. L’autre fouillait dans sa besace, en sortit un marqueur noir. Pas de papier, remarqua la jeune femme. Mais c’était déjà trop tard ; l’autre s’était approchée. S’était emparée de son poignet, son bras ; le contact de cette main comme une extension de son propre-corps la fit frémir et confirma l’inimaginable réalité du moment. L’autre aussi était tangible. Étrangement vivante, là, en train de s’activer sur le bras d’Érasme. Érasme qui avait l’impression que c’était elle-même qui s’écrivait sur le poignet – sale habitude qu’elle avait prise étant plus jeune. Que l’autre avait prise aussi apparemment. La photographe leva ses yeux surpris mais vides – toujours vides – vers le visage du double, si similaire au sien et si proche. La même ride d’expression soucieuse entre les sourcils. Elles étaient les mêmes et il était impossible de les dissocier. Qui était le double de l’autre ? Qui était l’alpha, qui était la bêta ? Les univers semblaient indistinctement semblables, d’un coup. Comme si toute cette histoire de Doppelgängers n’était qu’une simple farce, qu’en réalité c’était eux qui avaient atterri dans un autre monde. L’autre – car on ne pouvait l’appeler que comme ça – était là, à quelques centimètres seulement, et Érasme fut foudroyée par une fascination désagréable. Ce si beau visage, c’était le sien ? Et cette application, ce sérieux, auraient donc pu êtres siens eux aussi ? Étrange supposition, à laquelle elle n’aurait certainement jamais l’occasion d’apporter une réponse ; la mort de Jules et Lucas avait creusé de trop profonds sillons dans son esprit. L’autre finit de marquer la série de chiffres vite. Elle se remit à parler, expéditive, c’était bien son numéro, elle devait partir maintenant. Parce qu’elle ne peut pas rester ici, rester ici... « Ça me tord », dit-elle. Qu’est-ce que ça voulait dire exactement ? Personne n’aurait pu comprendre, mais son double, Érasme, comprenait : rester ici ne lui tordait pas que le ventre, ça lui tordait les poumons, le cœur, la tête. Migraine, chamade et difficulté respiratoire, Érasme y avait droit aussi. Mais l’autre parlait vite, trop vite à son gout, elle déblatérer d’un trait ce qui devait lui paraitre banal, mais qui pour Érasme était fondamental. Jules et Lucas étaient en vie, à Paris, enfin elle n’était pas sûre. Et s’il leur était arrivé quelque chose à eux aussi ? Peut-être que ça ne changerait rien après tout, ils n’étaient pas ses Jules et Lucas, ils ne les remplaceraient jamais. Jules et Lucas, ceux qu’elle avait connus, étaient morts. L’aspect irrévocable de ce fait la frappa à nouveau. Alors elle regarda encore ce visage près du sien, le sien peut-être, le sien en mieux. Elle allait partir. Une vague de désespoir rejaillit en Érasme mais elle ravala ses sanglots. Elle aurait pu dire un tas de choses, mais elle ne dit rien. Elle ne dit pas à l’autre de ne pas partir, de ne pas la laisser seule, elle aussi ; de ne pas se retourner et vivre sa vie comme si de rien n’était ; elle ne la supplie pas d’être bouleversée comme elle, elle se sent bouleversée ; elle ne lui demande pas de lui faire une place dans sa vie ; elle ne la retiens pas lorsqu’elle tourne les talons. Elle porte juste frénétiquement l’appareil devant ses yeux, ses doigts frêles appuyant, de toute leur force, sur le déclencheurs. Clic. Son dos est fixé sur la pellicule, mais elle continue à s’en aller. Pour la première fois, prendre une photo ne la réconforte pas. L’autre s’en va comme un papillon qui s’envole, léger, éphémère, jamais le papier ne pourra le reproduire. Mais Érasme tout de même un peu de l’autre avec elle, soigneusement prisonnière de l’appareil photo. Elle redescend lentement ses mains, fixe l’horizon quelques instants. L’autre a déjà disparu. Une larme coule sur ses joues, probablement à cause du vent. Et elle part, à son tour, parce que rester au milieu de cette rue ne rime à rien. Le temps a repris sa course, mais un morceau d’Érasme restera à jamais figé.
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